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SAINT-OLAF.

— Je l’espère bien ! répondit gaiement la jeune fille.

Et sur ces mots qui révélaient la vieille camaraderie, ils échangèrent une poignée de main.

Malgré le parfait contrôle qu’ils exerçaient sur eux-mêmes, dans leurs voix, sur leurs visages, je saisis cette fine émotion d’amour que l’on ressent aux premières heures et que rien ne surpassera jamais.

Ruby était tout simplement délicieuse dans sa toilette du soir, une toilette toute blanche, bien anglaise et qui n’avait pas dû coûter gros. Sa robe était taillée sans art, faite à la maison je suppose, elle laissait au corps une imprécision, une liberté de mouvements qui me parurent rafraîchissantes. De l’empiècement transparent en dentelle d’Irlande découpé en carré, émergeait un cou rond d’une blancheur de lait. Les cheveux un peu frisés et dorés autour du front, relevés par plusieurs petits peignes, encadraient bien le visage brillant de vie fraîche. Une chaîne d’or d’où pendait un médaillon semé de turquoises, une bague et des bracelets ornés de la même pierre faisaient une parure complète des plus seyantes. Personne, je gage, n’eût voulu voir cette jeune fille-là habillée par Doucet ou par Paquin.

— Pour combien de temps à Londres, Ruby ? demanda M. Baring aussitôt que nous fûmes à table.

— Je suis invitée pour une quinzaine chez ma tante Lucie, et puis j’ai le fol espoir de passer encore une semaine ou deux chez madame Nerwind. Elle va écrire à papa qu’elle a absolument besoin de moi.

— Madame Nerwind ! répétai-je saisie, l’Honorable madame Nerwind, Portman Square ?