Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
133
SAINT-OLAF.

me parut charmante. La camaraderie avec cette fraîche créature ne devait pas manquer d’agréments. Je me rappelai les paroles de Rodney et je ne m’étonnai plus de son dédain superbe pour les mondaines et les demi-mondaines.

Edith avait dû vanter outre mesure à miss Talbot son hôte française, car lorsqu’elle eut embrassé madame Baring, elle vint à moi, un joli sourire sur les lèvres, et me dit qu’elle était heureuse de faire ma connaissance. A travers cette phrase banale, je sentis une sincérité, une chaleur juvénile qui me firent plaisir. Et pendant le thé, malgré la différence de nos âges et tout l’inconnu qui se trouvait entre nous, nous nous mîmes à causer comme d’anciennes amies.

J’en manifestai plus tard mon étonnement à miss Baring.

— Mais il en a été de même avec moi, me répondit-elle. Je me souviens du plaisir que j’ai éprouvé quand mes yeux sont tombés sur vous. Il ne fallait rien moins que l’arrivée d’une Française pour remettre mes nerfs exaspérés par un contact journalier avec ces horripilantes Yankees.

— Edith, fis-je en souriant, je commence à croire que vous avez eu quelque rivale parmi elles.

Mon amie fut comme touchée par cette taquinerie lancée sans intention, son regard vacilla, ses paupières s’abaissèrent, une fugitive émotion traversa sa physionomie. Elle se ressaisit instantanément.

— Une rivale ! répéta-t-elle dédaigneusement… non, pas cela. Elles me font grincer les dents parce qu’elles n’ont pas encore été mises au diapason, voilà

tout. Dans deux cents ans, je suis sûre que je les

8.