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SAINT-OLAF.

Pendant le reste de la soirée, la manière d’être de Rodney fut une ample révélation. Je m’amusais intérieurement de ce qu’il était trahi par les notes claironnantes de sa voix, par ses distractions au bridge, et par les petits mots affectueux qu’il prodiguait à sa sœur et qui témoignaient de sa reconnaissance.

Selon son habitude, Edith m’accompagna dans ma chambre.

— Je désire beaucoup que vous voyiez Ruby Talbot, me dit-elle. C’est une de ces jeunes filles dont nous sommes plutôt fiers, et puis il est probable qu’elle entrera dans la famille.

— Votre frère est fiancé ?

— Non, amoureux seulement. Les Talbot sont nos plus vieux amis. Jusqu’à cette année, il n’y a eu entre lui et Ruby qu’une camaraderie fraternelle. Au mois de février, ils ont passé huit jours en visite dans la même maison et le mal se sera déclaré. Il nous est reenu tout changé, préoccupé, inégal. J’ai vite deviné de quoi il retournait. Il n’a pas encore posé la question a la jeune personne, j’imagine, de là son inquiétude. Pour moi, je suis bien tranquille, je crois qu’elle l’a toujours aimé.

— Est-elle jolie ?

— Très jolie… d’après notre goût anglais. Et puis, elle n’est pas banale. Son éducation l’a admirablement préparée à devenir la femme d’un homme qui, comme Rodney, a sa carrière à faire. Son père est un de nos grands économistes, depuis trois ans elle lui sert de secrétaire. Elle a été ainsi mise au courant des grandes questions sociales. En outre, elle a un