Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
l’île inconnue.

Saint-Olaf.

Je m’étais bien doutée que Rodney était amoureux. J’aurais même regretté qu’il ne le fût pas. Le soir, quand nous sommes réunis dans la bibliothèque, Edith, lui et moi, il lui arrive souvent de nous lâcher. Pendant ces absences, j’avais remarqué que sa physionomie s’adoucissait graduellement et j’aurais parié, à coup sûr, que derrière son front s’ébauchait alors quelque silhouette féminine. Je cherche toujours la lueur de l’amour dans le coin de l’œil du Saxon et sur les lèvres du Français. C’est là, pour moi, qu’elle est le plus visible. Je l’avais bien vue chez M. Baring, et ma curiosité de romancier ne laissait pas d’être éveillée.

Hier, après le dîner, Edith reçut une lettre qui lui arracha une exclamation de surprise.

— Ruby à Londres, chez sa tante ! Elle demande quand elle pourra venir nous voir. J’ai en ie d’aller la chercher demain et de l’amener passer le « week end » à Saint-Olaf. Qu’en dites-vous, mère ?

— Vous ferez très bien, répondit promptement madame Baring.

J’eus assez curieusement la sensation que cette nou elle affectait le jeune homme debout à mes côtés.

— Lue bonne idée ! s’écria-t-il avec une intonation joyeuse.

— Ruby, répétai-je… Rubis en français, quel joli nom !

— Un Aieux nom anglais, dit mon hôtesse, assez démodé, on ne le donne plus guère que lorsqu’il est dans la famille.