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l’île inconnue.

de pantins, dont tous les membres semblaient mus par d’invisibles fils. C’était du sport.

Du reste, le seul jeu seyant pour la femme est le tir à l’arc. Sous l’Empire il a eu chez nous un moment de faveur. Les amazones en crinoline étaient grotesques. Le costume moderne s’y prête mieux. Rien n’est joli comme de voir bander ou débander l’arc. J’aime le sifflement de la flèche, le son mat qu’elle donne en touchant la cible, j’aime cet effort concentré vers le symbolique point d’or qui marque le plus haut but… le but idéal. Ce sport n’est plus guère à la mode, il y reviendra un de ces jours. Les amateurs sont si peu nombreux à Wimbledon que le club ne possède pas de terrain en propre, il a ses cibles dans un champ prêté ou loué. Les jours de tir, on dresse une tente pour le thé, on apporte des chaises et tout est dit. J’y ai accompagné Edith plusieurs fois, et il m’a fourni une étude comparée du féminin anglais et du féminin français. Les amazones de la Grande-Bretagne ne songent guère à en faire un instrument de coquetterie. Elles arrivent coiffées de chapeaux baroques, ou trop simples, ou trop emplumés, avec des jupes mal montées, des blouses informes, une ceinture de cuir autour de la taille d’où pendent le carquois, le carnet pour les scores, une sorte de gros mouchet qui fait l’office d’essuie-flèches. Ainsi équipées, elles se placent à la distance voulue des cibles, tendent l’arc, visent, lancent le dard, vident leur carquois puis, sans échanger un mot, un sourire, elles marchent vers les cibles d’un pas gymnastique, ramassent les flèches perdues, comptent les points gagnés par celles qui sont arrivées à bon port,