Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
SAINT-OLAF.

joueurs sont arrivés sur le terrain avec de longs paletots d’épaisse flanelle blanche, garnis de gros boutons de nacre. Ils avaient autour du cou une large cravate de flanelle blanche également. C’était très seyant, très chic et ils le savaient. Ils ont pris ainsi leur thé, puis paradé devant tous les groupes féminins, fait la roue, moins inconsciemment que le paon peut-être, mais évidemment dans le même but. Oh ! moqueuse nature !…

Je n’avais jamais assisté à un match féminin. Eh bien, ce n’est pas beau. Le jeu qui se joue chez nous en causant et en fleuretant ne saurait guère en donner une idée. Des instantanés pourraient seuls rendre les gestes désordonnés qu’il produit. L’élan violent du bras fait lever les jambes en avant, en arrière, à des hauteurs invraisemblables. C’est une désarticulation du corps humain, à la fois pénible et ridicule. Quelques joueuses tirent même la langue. À un moment, cela devint si drôle que je fus prise d’un iou rire.

— De quoi riez-vous ? me demanda tout bas miss Baring.

— Vous ne voyez donc pas… ces bras, ces jambes.

— Mais c’est du sport, fît mon amie étonnée. Une Française ne peut pas comprendre, ajouta-t-elle avec une nuance de dédain.

Une Française ! Non, elle ne consentirait pas à se désarticuler ainsi, même pour gagner le paradis. Et personne ne souriait. La verve humoristique et satirique si facilement excitée chez l’Anglais n’était pas chatouillée par la vue de ces joueuses aux gestes