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IV
INTRODUCTION.

ou si elles l’avaient jamais été. Les insulaires, nos voisins, en ont usé de même à notre égard. Nous nous sommes calomniés mutuellement, nous nous sommes lancé des injures à la tête comme pourraient le faire deux peuples enfants. « Vous êtes des gens sans moralité, sans tenue », nous criait-on de l’autre côté du détroit. « Vous êtes des hypocrites, des sépulcres blanchis, des égoïstes », répliquait-on de ce côté-ci. Et chaque jour, quelques-uns de ces adjectifs projectiles allaient faire des blessures à la vanité, à l’amour patriotique, blessures qui se cicatrisent difficilement.

Dans les couches inférieures des deux nations, il y avait cette haine de race, qui ne devrait plus se rencontrer que sous la paillote du sauvage. Dans les couches intermédiaires, la haine très vivace était entretenue par le souvenir des défaites, des invasions audacieuses, des revendications injustes, par l’incompréhension, l’ignorance et l’envie. Dans les classes supérieures, elle était très atténuée. En France, aujourd’hui encore, on déteste les Anglais parce qu’ils nous ont vaincus à Waterloo, qu’ils viennent à l’Opéra en costumes de touristes, qu’ils remplissent de colis sans nombre les compartiments de chemin de fer. Le comique de la chose est que ces griefs