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L’ÎLE INCONNUE.

ruche, mais la ruche sans « couvain ». Les abeilles ont un rayon spécial pour les larves et les nymphes et nous n’en avons pas pour nos petits. Pourquoi et comment n’en avons-nous pas ? Ah ! voilà ! nous aimons nos enfants, mais nous n’aimons pas les enfants. La preuve est que nous en avons le moins possible et que nous ne savons pas encore fait vivre ceux que nous avons. Si l’élevage des poulains de nos haras était aussi mal compris, il ne produirait que de futurs vaincus. Là, l’intérêt veille et il est mieux inspiré.

Pour faire l’éducation première de nos fils et de nos filles, cette éducation du corps et de l’esprit naissant d’où dépendent leur santé, souvent leur bonheur et leur avenir, nous prenons des paysannes incultes, qui n’ont jamais soigné, et encore très mal, que des vaches et des cochons, — leurs enfants à elles poussent tout seuls. En y réfléchissant, cela paraît si fou que j’ai quelque peine à le croire possible. Nous débarbouillons, il est vrai, ces paysannes, nous leur donnons du linge, des robes bien taillées, des mantes très chics, des couronnes de ruban aussi large que possible pour le décorum de la maison ; mais le reste, qui est-ce qui s’en préoccupe ? Le reste ! nous savons cependant ce que c’est aujourd’hui. Jadis, le cerveau, malgré toutes les planches anatomiques, demeurait une chose assez abstraite ; la science nous a mis à même de nous rendre compte que c’est un appareil récepteur aussi bien que transmetteur, d’une effrayante sensibilité. Nous ne pouvons ignorer que les images grossières, les idées fausses qui se trouveront derrière le front de la nourrice passeront dans