Page:Laperche - Eve victorieuse.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Si, si, je l’épouserai quelque jour, mais que voulez-vous ? le mariage me fait l’effet d’un nœud coulant où je n’ai nulle hâte de passer la tête. Je suis certaine de n’être jamais aussi heureuse que je le suis maintenant. Alors, à quoi bon me presser ?

— Si vous aimiez M. Ascott, vous ne feriez pas tous ces raisonnements.

— Oh ! je n’éprouve certainement pas pour lui cet amour dont il est parlé dans les romans français. Je me demande même s’il existe en réalité. En tout cas, nos hommes sont trop positifs pour l’inspirer, et nous, trop occupées pour le ressentir.

Madame Ronald parut réfléchir.

— Non, dit-elle, je ne crois pas que nous ayons le tempérament des grandes amoureuses.

— Tant mieux ! elles ne font que des sottises… Quant à moi, j’ai pour Jack une affection solide, à durer toute la vie ; mais, depuis deux ans que nous sommes fiancés, nous nous sommes vus presque chaque jour. Je suis trop habituée à lui. Après cinq ou six mois de séparation, il aura l’air plus nouveau et me fera plus d’effet. Les hommes ne savent jamais ce qui est bon pour eux !

— Oh ! Dody ! Dody ! s’écria Hélène en riant, vous ne vous doutez pas de ce que vous dites.

— Si, —si, parfaitement ! Honni soit qui mal y pense !… A propos, je suis joliment étonnée qu’Henri vous envoie seule en Europe. C’est contre les principes de la famille Ronald, cela !

— Oh ! il est si peu égoïste ! Il paraît qu’il est sur le point de faire une grande découverte : si je refusais de le quitter, il m’accompagnerait pour ne pas me priver de ce voyage ; mais je le connais, il aurait tout le temps l’esprit dans son laboratoire et ne jouirait de rien. D’autre part, je