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les Américaines qui abandonnent leurs maris pour aller s’amuser en Europe.

— Du moment que je le trouve bon, personne n’a rien à dire. Partez en paix, ma chérie.

— Oh ! si je n’avais pas un réel besoin de changement, je remettrais le voyage à l’automne ; mais j’ai les nerfs dans un état !…

— Je m’en suis aperçu ! fit M. Ronald avec un léger sourire.

— Vous ne savez pas, vous autres hommes, ce qu’est la tenue d’une maison dans ce pays de toutes les libertés. Les Européennes s’étonnent de ce que, de temps à autre, nous nous délivrons de nos ménages ! Je voudrais les voir à notre place… Oh ! le luxe de manger des dîners dont on n’a pas discuté le menu, de s’asseoir à table sans avoir à craindre quelque manifestation de mauvaise humeur de son chef ou de sa cuisinière, sous la forme d’un plat manqué !… Et le plaisir d’être servie par ces gentilles filles de chambre en bonnets blancs !… Voilà ce dont nous jouissons le plus en Europe, voilà ce dont j’ai besoin.

— Eh bien, mon amie, allez vous reposer un peu. Faites une grande provision de santé et de gaieté. Achetez de jolies choses, pendant que vous y êtes… Pas de linge uni, pas de robes de bure. Cela ne vous siérait pas du tout.

— Vous croyez ? fit la jeune femme, se regardant dans la glace d’un air sérieux.

— J’en suis sûr. Vous êtes une créature brillante : il vous faut de la soie, des dentelles, des bijoux… Ne songez plus à fonder une ligue contre le luxe. Achetez, entassez ; nos petits-enfants feront la sélection. Nous n’avons pas encore droit à la simplicité et au loisir : nous devons acquérir,