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— C’était joli ?

— Oui, original, byzantin… un peu trop riche.

— Vous savez que je dois parler, au congrès, la semaine prochaine, — fit M. Ronald revenant de son côté à ce qui l’intéressait. — Je me propose de dire leur fait aux philosophes et aux littérateurs.

— Qu’est-ce qu’ils vous ont fait ?

— A moi, personnellement, rien ; mais leur ignorance m’exaspère. Ils ne voient pas que la science est la nature, et la nature la science même. Ils affectent de la mépriser. Ils ont proclamé sa banqueroute. Ils l’accusent d’avoir augmenté la som.me des maux de l’humanité. Ils applaudissent aux échecs des savants, se moquent de leurs tâtonnements, de leurs erreurs. C’est idiot ! Ils devraient plutôt s’associer à leurs travaux, propager leurs découvertes, faire accepter la vérité. Ils rendraient ainsi l’évolution présente moins douloureuse, — car toute évolution est douloureuse !… Ils vont jeter les hauts cris, lorsqu’un de ces jours nous leur prouverons, à ces fameux idéalistes, que l’amour n’est autre chose qu’un fluide comme la lumière, comme l’électricité.

Hélène, tout occupée à bien placer dans ses cheveux de petits peignes d’écaillé ornés de diamants, n’avait prêté qu’une oreille distraite à c-e qui précède. Ces dernières paroles arrivèrent pourtant à son esprit et, de saisissement, son bras demeura en l’air.

— L’amour, un fluide comme la lumière ! — répéta-t-elle avec une petite grimace d’horreur, — vous vous moquez de moi !

— Pas le moins du monde.

— Ah ! ils ont bien raison de détester la science, les poètes ! N’a-t-elle pas déclaré que le baiser est