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Sa maison de New-York était située dans cette partie de la Cinquième avenue où sont les résidences des plus notables millionnaires. Elle donnait sur le Parc Central et avait la vue de ses pelouses veloutées, de ses arbres superbes. A côté des palais Gould et Vanderbilt, elle paraissait petite et assez modeste, mais elle n’en était pas moins une merveille de goût et de confort. Hélène y travaillait sans cesse, la retouchant comme une œuvre d’art, enlevant ici un meuble, là un tableau ou un bibelot. Et elle la montrait avec orgueil, de la cuisine au grenier. La pièce dont elle tirait surtout vanité était son cabinet de toilette. Elle avait mis tout son génie féminin dans ce décor intime. D’aucuns l’eussent voulu plus sobre et plus simple ; un artiste pourtant l’eût trouvé délicieux. Les murs, entre les hautes glaces, étaient tendus de brocart gris bleu à reflets irisés, et le parquet recouvert d’un de ces tapis Morris qui sèment comme des fleurs vivantes sous les pieds. Sur les panneaux des meubles, d’un bois blanc, poli et chaud comme l’ivoire, étaient incrustés des salamandres, des oiseaux exotiques, des papillons diaprés, dont les couleurs s’harmonisaient avec les soies jaunes, bleues, roses, des sièges, des coussins et des rideaux. Sur ce fond, d’une tonalité très douce, se détachaient des aquarelles de maîtres, la garniture de vieux Dresde qui ornait la cheminée, des baguiers, des coupes anciennes, des vases de formes curieuses, enfin la large table, surmontée d’un miroir, où les ustensiles de toilette en or, en argent, en écaille blonde, parsemaient avec ordre un merveilleux dessus en vieux point de Venise.

Un Européen, transporté subitement au seuil