Page:Lao-Tseu - Le livre de la voie et de la vertu - traduction Stanislas Julien, 1842.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de regarder les trois syllabes i (incolore), hi (aphone) et weï (incorporel) comme dépourvues de signification et étrangères à la langue chinoise. Les interprètes poussent le scrupule et la franchise aussi loin qu’aucuns philologues européens, et toutes les fois qu’ils rencontrent un mot qui n’a jamais été expliqué par personne et dont le sens leur échappe, ils l’avouent sincèrement. C’est ce qu’on voit souvent dans les notes sur les livres classiques et à chaque page du supplément du dictionnaire Tseu-weï. Or si les trois syllabes i, hi, weï, se fussent trouvées dans le même cas, les commentateurs chinois n’auraient pas manqué de le déclarer, ne fût-ce que pour éveiller (comme ils le disent) l’attention des sages futurs.

La découverte du nom de Jéhova, que M. Rémusat avait cru trouver dans Lao-tseu, n’était pas fondée seulement sur des considérations philologiques qui lui sont particulières, et dont j’ai donné plus haut le sommaire en citant ses propres expressions. Il avait été confirmé dans cette hypothèse par des récits dont il importait de bien rechercher l’origine avant de les admettre comme des faits établis. « Un autre[1] point, dit-il, sur lequel il est difficile de conserver des doutes, c’est le voyage de Lao-tseu à une grande distance de la Chine. A la vérité, il y a quelque diversité dans les auteurs sur les circonstances de ce voyage. Sse-ma-thien le place à la fin de la vie de Lao-tseu[2], après la publication de son Tao-te-king, et dit, au surplus, qu’on ignore ce que devint ce philosophe.

« D’autres entendent dans un sens purement historique sa retraite sur le mont Kouen-lun[3] c’est-à-dire dans les parties les plus élevées des montagnes de l’Inde et du Thibet. Ceux qui

  1. Rémusat, Mémoire sur Lao-tseu, pag. 12, lig. 25.
  2. Cet auteur ne dit point que Lao-tseu ait voyagé à l’occident de la Chine. ( Voyez la Notice historique, pag. xx, lig. 21-24.)
  3. Voyez la légende fabuleuse de Lao-tseu, pag. xxv, not. 2.