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Les hommes du monde sont doués de pénétration ; moi seul (12) j’ai l’esprit trouble et confus. Je suis vague comme la mer (13) ; je flotte (14) comme si je ne savais où m’arrêter.

Les hommes de la multitude ont tous de la capacité (15) ; moi seul je suis stupide ; je ressemble à un homme rustique (16).

Moi seul je diffère des autres hommes, parce que je révère la mère (17) qui nourrit (tous les êtres).


NOTES.


(1) C : Lao-tseu ne veut pas dire qu’il faut renoncer à toute espèce d’étude. Il parle des études vulgaires qui occupent les hommes du monde. B : Ceux qui étudient la littérature et les sciences craignent toujours que leurs connaissances ne soient pas assez étendues. Ils cherchent la science en dehors, et s’affligent constamment de l’insuffisance de leurs progrès. Mais le saint homme trouve en lui-même tout ce dont il a besoin, et il n’y a rien qu’il ne sache ; c’est pourquoi il est exempt de chagrins.

E : Les sages de l’antiquité étudiaient pour rechercher les principes intérieurs de leur nature. A l’exception de ces principes, ils n’appliquaient leur esprit à rien. C’est ce qu’on appelle pratiquer le non-agir, et faire consister son étude dans l’absence de toute étude. Mais quand les hommes eurent perdu ces principes, ils se pervertirent et se livrèrent aux études du monde. Une apparence spécieuse éteignit et remplaça la réalité. L’étendue des connaissances corrompit (litt. « noya » ) leur cœur. Au fond, ces études (du monde) n’ont aucune utilité et ne font au contraire qu’augmenter leurs chagrins. Le but le plus noble de l’étude est de nourrir notre nature (de la conserver dans sa pureté primitive) ; le meilleur moyen de nourrir sa nature est de se dégager de tout embarras. Mais aujour-