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No. 12. EN ATTENDANT LES CHEVAUX.

Certaine nuit de carnaval, un Officier, Courier politique extraordinaire, arrive à franc-étrier, avec un ſubalterne, à la première ſtation de poſte entre la France et l’Allemagne. Toute la maiſon, maîtres et gens, ſont à-peu-près ivres ; d’ailleurs, il n’y a point de chevaux. Grand tapage : « Il en faut abſolument. — Nous n’en avons point. — Il faut en trouver ; je ſuis courier de Cabinet. — Vous ſeriez le Diable, il faut attendre qu’il en ſoit revenu et qu’ils ayent rafraîchi. » Cependant la femme du jeune Maître de poſte eſt jolie : ſa ſœur eſt presque auſſi bien… Avec ces beautés et du bon vin qu’offre le bourgeois, on peut prendre patience. L’office à Bacchus recommence donc de plus belle. Le Courier gentilhomme eſt un Cavalier fait au tour ; ſon écuyer est bâti en Hercule, et c’eſt un facétieux qui, par mille extravagances bouffonnes, a fait, en buvant, rire ces Dames à faire éclater leurs lacets. D’ailleurs, elles ne ſont pas farouches, et le Maître de Poſte, qui a été trois ans Cordelier, eſt le plus traitable des hommes ſur l’article de la luxure, dont il eſt lui-même dominé. Au bout d’une heure, loin de murmurer de la longue abſence des chevaux, on en eſt preſque à ſouhaiter de pouvoir paſſer pêle-mêle toute la nuit. Cependant le devoir commande ; on ne peut ſi longtems s’arrêter : tandis que le chevaux, enfin mangeant l’avoine, ſe diſpoſent à une nouvelle courſe, un tranſport d’attendriſſement s’empare ſoudain du cerveau des Dames. Il ſe manifeſte d’abord en jeux de mains : à travers une eſpece de lutte, la Maîtreſſe de Poſte eſt fourrée par le Courier entre les degrés d’une échelle, dans une poſture très commode pour qui auroit envie de faire un cocu. La ſœur, élevée plus haut par le robuſte Ecuyer, eſt engagée auſſi dans l’échelle en ſens contraire. On voit à quoi les eſtaffettes ſongeoient en imaginant ces préparatifs ; on voit auſſi que ces Dames, qui ne peuvent défendre leur croupe, et chez qui le feu a pris partout, laiſſent faire par derriere tout ce qu’on veut, et baiſent par devant tout ce qui ſe trouve à leur