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No. 1. LA PIÈCE CURIEUSE.

Mesdames de Tirefort et de Conardent, ayant appris que Mad. Conplet leur amène un prodige qu’elles ont fort deſiré de voir, ſont ſorties précipitamment de leur bain, où le Chevalier Mirliflor et l’abbé Déviant leur tenoient compagnie. On voit ces Dames émerveillées à l’aſpect du très recommandable boute-joie du jeune Bandini, Virtuoſe Italien, à qui la Nature à la fois accorda le talent, la beauté, l’eſprit et les moyens qu’on voit d’enſorceler toutes les femmes. — Il eſt viſible que l’examen auquel on vient de le ſoumettre, loin de l’embarraſſer, flatte infiniment ſon très légitime orgueil. La Conplet fait ſes commentaires ſur la beauté et les qualités du rare outil ; mais comme cette femme ſonge à tout, elle a ſoin en même temps de faire obſerver à M. l’Abbé, que Bandini, dont elle ſoulève un peu l’habillement par derriere, n’eſt pas moins fait pour allumer les deſirs maſculins : la ſécurité de Bandini, qui laiſſe faire, eſt un sûr garant qu’au beſoin, il ne ſe refuſera point à les éteindre. Cependant, une couſine, Mad. de Condoux, qui ſe baignoit ailleurs, eſt un peu plus tard inſtruite ; elle accourt : on peu remarquer qu’elle fait un petit geſte de dépit, ſentant bien qu’elle ne ſera pas des premieres à participer aux bienfaits du deſirable boute-joie. Une ſoubrette, qui n’eſt guère moins tentée, mais qui diſſimule, donne un peu d’humeur à Monſieur Mirliflor, en lui faiſant obſerver que de l’aventure il va probablement être caſſé aux gages. C’eſt une inſulte d’autant plus ſenſible, que M. le Chevalier ne dédaigne pas d’être payé de ſes ſecrets ſervices. À travers tout cela, Joujou, petit languayeur de l’une de ces Dames, eſt profondément occupé de l’attrayant poſtérieur qui ſe préſente en face de lui. — On reconnoît à des boſquets et au temple dont on voit partie dans le lointain, que le théâtre eſt un jardin anglais dépendant de quelque habitation magnifique.