Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
LE GOÛT DE VOLTAIRE.

gaieté ; c’est une poésie toute faite de sensations claires et légères, sans vague et sans éclats.

Il ne manque pas de sentiment. Il a des sentiments irascibles ; il en a d’affectueux, de tendres, de tristes. Mais il les tamise et les filtre par l’esprit ; la réaction énergique du bon sens qui résout le bonheur en plaisirs, repousse les émotions douloureuses qui, en s’approfondissant, ont ouvert les sources du lyrisme contemporain. L’art, la poésie sont faits pour tenir l’âme en joie, non pour l’attrister. Voltaire n’accueillera dans ses vers que les sentiments qui se savourent et n’empoisonnent pas. Une pointe de regret de l’amour perdu ou de la vie qui s’en va, un accent de volupté ou de mélancolie épicuriennes, un élan de haine ou de colère terminé en moquerie amusée, une image de la nature gracieuse ou parée qui fait un beau cadre aux mœurs élégantes.

Beaux jardins de Villars, ombrages toujours frais :


en voilà assez pour faire la poésie que rêve Voltaire. L’action est l’intérêt sérieux de la vie, la poésie en est le décor et la fête.

Nous jugeons un poète aujourd’hui par ses images et par ses mètres. Les images de Voltaire sont d’autant plus froides et banales que le genre est plus noble : elles se dégourdissent dans les petits genres. Elles ne sont jamais bien rares ni bien neuves : c’est plutôt le tour, le mouvement, la drôlerie de l’emploi qui leur donnent un caractère d’art.

Sa versification a satisfait à l’idée que le xviiie siècle se faisait de la beauté des vers. Rimes pau-