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VOLTAIRE COURTISAN.

sienne », qui avait ordre de sa cour de retirer des mains du voyageur la clef de chambellan, la croix du Mérite de Prusse, et surtout cet exemplaire des Œuvres de Poésie où il y avait de quoi ameuter toutes les cours d’Europe contre le royal auteur. Voltaire a jeté les hauts cris, il a exagéré fantastiquement tous les incidents, tous les mauvais traitements qu’il a subis et qu’a subis sa nièce. Pourtant, au fond de ce ridicule épisode, quand on s’en tient à la correspondance officielle du sieur Freytag, il reste ceci, qui donne à penser : un résident prussien retenant arbitrairement pendant cinq semaines, arrêtant dans la rue, faisant garder à vue par des soldats un sujet français et une femme dans une ville libre de l’Empire, saisissant et fouillant tous leurs bagages, et confisquant leur argent, qui au mois d’août n’avait pas encore été rendu, et ne le fut peut-être jamais. Il était permis à Voltaire de n’y pas trouver à rire.

En quittant Francfort, il se trouva bien embarrassé. Il s’arrêta successivement à Schwetzingen chez l’électeur palatin, qui avait un joli théâtre ; — à Strasbourg où il termina pour la duchesse de Saxe-Gotha son sec et rapide abrégé des Annales de l’Empire, et où il fit une protestation par-devant deux notaires contre la publication frauduleuse des deux premiers volumes de son Histoire Universelle — à Colmar où il songea à se fixer ; — à Senones, en Lorraine, mais en terre d’Empire, où il s’enferma six semaines pour travailler à son Histoire Universelle, mettant à profit la science de dom Calmet et la bibliothèque de l’abbaye ; — à Plombières où sa nièce et ses deux anges, les d’Argental, vinrent lui tenir compagnie.