Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
VOLTAIRE.

de sa vie. La mort de Mme du Châtelet (10 sept. 1749), à la suite d’une grossesse dont un jeune officier, Saint-Lambert, était l’auteur, lui donna une direction nouvelle. Il pleura sincèrement la pauvre femme infidèle qu’il aimait d’une amitié forte ; il alla reprendre ses meubles à Cirey, s’établit à Paris rue Traversière-Saint-Honoré, où Mme Denis tint son ménage, et installa chez lui au second étage un théâtre où il fit jouer sa Rome sauvée : il faisait Cicéron avec emphase, tandis qu’à ses côtés s’essayait le petit Lekain, qu’il venait de découvrir. Au bout de six ou huit mois, il partait pour Berlin.

Mme de Pompadour s’était éloignée de plus en plus. Il n’avait pu avoir ses entrées chez le roi, ni des places à l’Académie des sciences et dans celle des Belles-Lettres, dont il avait eu la fantaisie. Il défendait trop vivement le ministre Machault et son impôt du vingtième, auquel le clergé voulait se soustraire : il se compromettait même en appuyant la politique ministérielle. Frédéric faisait de belles offres, substantielles et brillantes, des protestations d’éternelle amitié. Emilie n’était plus là. Mal guéri des cours, séduit de l’envie de montrer au roi de France le prix qu’un homme d’esprit valait à l’étranger, il prit son chemin par Clèves et Wesel à travers les « vastes, stériles et détestables campagnes de la Vestphalie », ce « chien de pays » dont il se souviendra au début de Candide. Il débarqua le 10 juillet 1750 à Potsdam.

Il repartit le 26 mars 1753, ulcéré et furieux. Sa correspondance[1] marque toutes les étapes de ses sen-

  1. T. XXXVII, 147, 157, 171, 194, 217, 218, 543, etc.