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VOLTAIRE.

chirent ses vers de nouvelles images : je crois que le gain fut maigre. Mais les sciences fournirent à Voltaire les représentations de l’univers et de la vie sur lesquelles il se fit une métaphysique à son usage, et qui commandèrent sa politique et sa morale pratiques. Ayant rejeté la construction théologique des rapports de l’homme et du monde, c’est aux sciences de la nature qu’il demanda le modèle d’une méthode pour l’étude de l’homme, et des lumières sur le tout qui fissent apparaître la place, la puissance et la fin de l’homme ; sa connaissance générale de l’ensemble des choses lui servit à déterminer son idée de la perfection et du bonheur où il était possible d’élever la société humaine et l’homme individuel. Si la sagesse consiste dans la conformité à l’ordre universel, la science seule, qui fait connaître cet ordre, conduit à la sagesse. Une bonne morale suppose une bonne physique. « Il est utile, disait discrètement Condorcet, de répandre dans les esprits des idées justes sur les objets qui semblent n’appartenir qu’aux sciences, lorsqu’il s’agit ou de faits généraux importants dans l’ordre du monde, ou de faits communs qui se présentent à tous les yeux. L’ignorance absolue est toujours accompagnée d’erreurs, et les erreurs de physique servent souvent d’appui à des préjugés d’une espèce plus dangereuse[1]. »

Avec Voltaire donc, commence la domination de la science sur la pensée de ceux mêmes qui ne sont pas des savants.

  1. I, 214.