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VOLTAIRE À CIREY.

sions, et il résiste aux vérités qui le contrarient. Il n’est pas sympathique à l’étude des fossiles, parce qu’il a peur que le déluge biblique n’y trouve une confirmation. Et c’est d’ailleurs ce qui y intéressait Burnet, et Woodward, et Scheuchzer, et le bon Pluche : ils étaient aussi loin de la science en s’emparant des faits que Voltaire en les contestant. Avec un peu plus de désintéressement scientifique, Voltaire n’eût pas écarté des observations certaines par la mauvaise plaisanterie qu’on lui a tant reprochée : les poissons fossiles des Alpes sont les débris des déjeuners des voyageurs, et les coquilles fossiles sont tombées des chapeaux des pèlerins[1]. Il eût examiné de près les conséquences nécessaires de ces indices des états antérieurs du globe, et, en approfondissant, il eût compris ce que Buffon démontra, que cette nouvelle science, loin d’établir l’hypothèse du déluge universel, en débarrassait définitivement la pensée humaine. Il n’eut pas assez de confiance en la vérité. Il définit en gros assez bien la méthode scientifique, mais il ne put pas se donner les habitudes d’esprit qui sont nécessaires pour la pratiquer journellement.

Dans l’histoire des sciences comme dans celle de la métaphysique, Voltaire ne compte pas. Il ne fut qu’un amateur. Mais ceci même est grave qu’un littérateur, un poète ait fait une telle place dans son esprit et dans sa vie à des études si spéciales. Elles ne lui furent point inutiles. Condorcet estime qu’elles agrandirent la sphère de ses idées poétiques et enri-

  1. XXIII, 222.