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VOLTAIRE À CIREY.

et occupe la place que la métaphysique avait tenue jusque-là. Il aide ainsi au mouvement général qui depuis le début du siècle portait les esprits vers l’étude des sciences. La littérature, comme la métaphysique, leur cédait du terrain. La culture des gens du monde devenait scientifique. Fontenelle faisait lire l’astronomie aux dames. Montesquieu dissertait à l’académie de Bordeaux sur les glandes rénales et sur la cause de l’écho. L’abbé Nollet faisait avec le plus grand succès, pendant plusieurs années, depuis 1735, un cours de physique newtonienne avec de curieuses expériences qui attirèrent un nombreux public, même des dames. Un peu plus tard, Rouelle, apothicaire du roi, ouvrira un cours de chimie au Jardin du Roi : c’est là que le fermier général Dupin de Francueil mènera Jean-Jacques Rousseau.

Les ecclésiastiques, à cette date, ne redoutent pas la science expérimentale. Elles les inquiète moins que la métaphysique : l’abbé Pluche[1], les jésuites favorisent ces études précises et utiles, à condition qu’on se garde des vues générales. Pour la jeunesse « destinée à remplir tous les postes de l’Église et de l’État », Pluche souhaiterait que les deux ans du cours de philosophie fussent consacrés surtout « à la géométrie et aux méchaniques », et aux sciences naturelles : il demande pour compléter l’enseignement, au moins dans les grandes villes, un « droguier », un « jardin des plantes usuelles », et un « cours réglé d’expériences de physique ».

Dans ce mouvement qui aboutit à l’Histoire natu-

  1. Le spectacle de la nature, t. IV, p. 470.