Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
VOLTAIRE.

Si l’on veut savoir ce que Newton pensait sur l’âme, et sur la manière dont elle opère, et lequel de tous ces sentiments il embrassait, je répondrai qu’il n’en suivait aucun. Que savait donc sur cette matière celui qui avait soumis l’infini au calcul et qui avait découvert les lois de la pesanteur ? Il savait douter[1].

Voltaire ne rejette pas la métaphysique : il consent à spéculer sur Dieu, sur l’âme, sur la liberté : car j’étais jeune alors, écrira-t-il en 1771. Mais il estime que la métaphysique consiste à raisonner de ce qu’on ne sait pas. Il faut donc être très prudent, rassembler des faits et en tirer quelques inductions, faire des hypothèses simples, claires, économiques et surtout ne pas y passer trop de temps.

Il laïcise la métaphysique ; il la détache de la théologie dont il ne garde qu’un minimum qu’il ne voit pas d’avantage à éliminer, le concept ou le mot de Dieu. Il en fait un prolongement de la science. Il demande aux sciences toutes les réponses qu’elles peuvent fournir aux questions métaphysiques, et il leur attribue beaucoup des problèmes que les philosophes avaient toujours cru leur appartenir exclusivement. Il conçoit des sciences à faire pour éclaircir des doutes qu’en vain les systèmes croient résoudre : psychophysiologie, psychologie de l’enfant, psychologie des animaux. Et s’il est souvent léger, c’est en n’attendant pas que ces sciences lui offrent de bonnes collections de faits contrôlés, et en précipitant ses conclusions sur quelques observations incomplètes ou douteuses.

Avec Voltaire, la science passe au premier plan,

  1. XXII, 427.