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VOLTAIRE À CIREY.

1o Séparation et indépendance de la raison et de la foi. « Il ne m’appartient que de penser humainement. Les théologiens décident divinement. C’est tout autre chose. La raison et la foi sont de nature contraire[1]. » Collins disait : « La raison ne démontre ni l’immatérialité, ni l’immortalité de l’âme : je doute comme philosophe, et je crois comme chrétien[2] ». Cette attitude, plus politique que rationnelle, ne doit pas se juger dans l’abstrait. Elle est relative aux circonstances du siècle. C’est un modus vivendi, un concordat, si l’on veut, que la libre pensée offre aux Églises encore puissantes. En faisant mouvoir la raison et la foi sur des plans différents, on tâchait, sans limiter ni contester l’autorité religieuse, d’assurer à l’esprit humain une liberté de recherches illimitée.

2o Extension de la méthode expérimentale à la métaphysique.

J’en appelle à votre conscience, dit Voltaire à Leibniz, à propos des monades, ne sentez-vous pas combien un tel système est purement d’imagination[3] ?

Faisons exactement l’analyse des choses, et ensuite nous tâcherons de voir, avec beaucoup de défiance, si elles se rapportent à quelques principes[4].

Je ne puis faire autre chose que de me servir de la voie de l’analyse qui est le bâton que la nature a donné aux aveugles ; j’examine tout partie à partie, et je vois si je puis ensuite juger du total[5].

Quand nous ne pouvons nous aider du compas des mathématiques ni du flambeau de la physique, il est certain que nous ne pouvons faire un seul pas[6].

  1. XVII, 149.
  2. Essai sur la nature et la destination de l’âme humaine, p. 16.
  3. XXII, 434.
  4. XXII, 203.
  5. XXII, 209.
  6. XXII, 204.