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VOLTAIRE.

qu’elle se prouve par le sentiment qu’on en a. Elle est pour lui, comme pour Shaftesbury, la volonté réfléchie qui commande aux sens, résiste aux passions, et suit la raison. Elle est « limitée, variable, en un mot très peu de chose, parce que l’homme est très peu de chose[1] » : elle est « la santé de l’âme[2] », souvent altérée, jamais parfaite. Mais les motifs ne déterminent-ils pas la volonté ? Justement, et de ce qui pour Collins établit le déterminisme moral, il fait avec Chubb le signe de la liberté. « J’obéis nécessairement, mais de bon gré, à cet ordre de ma raison[3] ». C’est-à-dire que la liberté n’est que l’adhésion consciente aux motifs clairement conçus, la détermination intellectuelle substituée à la détermination instinctive ou passionnelle.

Cependant nous ne pouvons choisir que ce que nous choisissons. Et Voltaire finit par restreindre la liberté, selon la définition de Locke, au « pouvoir de faire ce qu’on veut[4] ». Je veux marcher, parce que je me représente l’agrément ou l’utilité de marcher. Je suis libre, si je ne suis ni perclus ni prisonnier.

Quand on en est là, on ne retient guère que le mot de liberté : on est tout près de la nier. Voltaire, dès 1740, après avoir exposé le système de Clarke, ajoutait :

Il faut avouer qu’il s’élève contre l’idée de liberté des objections effrayantes… Il faut convenir qu’on ne peut guère
  1. XXII, 414.
  2. XXII, 218.
  3. XXII, 414.
  4. IX, 388 ; XXII, 416.