Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
VOLTAIRE.

Dieu est une hypothèse nécessaire. « Dans l’opinion qu’il y a un Dieu, il se trouve des difficultés, mais dans l’opinion contraire, il y a des absurdités[1]. » Et ainsi « de doute en doute », on arrive à « regarder cette proposition il y a un Dieu comme la chose la plus vraisemblable que les hommes puissent penser[2] ». Ce Dieu-là ne fera jamais de martyrs, ni de bourreaux. Il s’installe dans l’esprit comme la notion de l’atome. Ce n’est point une réalité mystique.

À ce Dieu s’attachent les lois nécessaires de l’univers, on ne sait rien d’ailleurs de sa nature et de ses attributs. Toutes les disputes sur la Providence et la justice de Dieu sont oiseuses. Au pessimisme janséniste, Voltaire objectait tout à l’heure que l’homme n’est pas si misérable que le faisait Pascal. À l’optimisme leibnitien, il répond maintenant : D’où savez-vous que les choses ne pourraient être mieux ? Le monde est ce qu’il peut. La vie n’est ni très bonne ni très mauvaise : elle est tolérable, puisqu’en général on la tolère. Ce qu’on appelle le mal sont des effets naturels des lois générales : la mort est exactement du même ordre que la naissance, et celle-ci implique celle-là. Il faut accepter la vie, la nature et leurs conditions, et les utiliser au mieux. C’est déjà la philosophie de Candide, mais avec un accent moins sarcastique, avec un plus souriant consentement à la médiocrité du monde. À cette date, Leibniz choque moins fortement Voltaire que ne fait Pascal ; et sur le jansénisme encore effervescent, il jette le Mondain.

  1. XXII, 201.
  2. XXII, 202.