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VOLTAIRE À CIREY.

taisie, buvant du café, et dès qu’il est en train, oubliant toutes ses maladies dans un pétillement de malice et de gaieté.

Mais voilà que Voltaire et Émilie se mettent dans la tête que la visiteuse a envoyé à ses amis des morceaux de Jeanne, de la dangereuse Jeanne. Ils prennent peur, elle essuie des scènes terribles, de la dame surtout ; elle en sort brisée, en larmes, avec la fièvre, obligée de s’aliter. L’indiscrétion ne vient pas d’elle : on s’excuse, on la caresse. Mais le charme est rompu. Elle s’échappe de cet enfer qu’elle a pris d’abord pour un paradis.

Dans la multitude d’écrits de toute sorte que Voltaire compose à Cirey, ceux qui donnent une couleur à cette période de sa vie sont les écrits de métaphysique et de science.

Sous l’influence de Mme du Châtelet, il voulut « se rendre compte de ses idées » sur Dieu et sur l’âme, et fit en 1734 un Traité de Métaphysique qu’elle l’empêcha de publier : il eût fait un beau tapage. Son amie est leibnitienne : il marche, lui, sur les pas du « sage » Locke et des Anglais.

Il croit à Dieu. Il en a des preuves qui le contentent, la preuve qui se tire de l’ordre du monde, celle qui se fait par la nécessité du premier moteur. Il est nettement « cause-finalier »[1]. De la preuve morale, de la nécessité d’une sanction du bien et du mal, il n’est pas question. Pour Voltaire et son amie, la métaphysique est l’introduction à la physique, Dieu est la première vérité de la physique.

  1. XXII, 200.