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VOLTAIRE.

ployée, il ne laisse passer aucune occasion de querelle et de bruit. Procès contre ce « fripon » de Jore, et sentence équivoque qui déboute le libraire en éclaboussant l’écrivain. Échanges virulents de diffamations imprimées avec le vieux Jean-Baptiste Rousseau. Guerre surtout contre l’abbé Desfontaines, à qui il assène le Préservatif, et dont il essuie la Voltairomanie : toute cette boue qu’ils remuent avec tant d’entrain, fait mal au cœur aux honnêtes gens, et Voltaire y perd plus que le « folliculaire ». Le service essentiel qu’il avait rendu à l’abbé en le tirant de Bicêtre où il avait été mis pour une fâcheuse affaire de mœurs[1], les très réels mauvais procédés de l’obligé, qui se libéra trop vite de la reconnaissance et de tous ménagements, disparurent dans un amas d’imputations grossières ou calomnieuses qui salirent surtout celui qui les écrivait. L’espèce de rétractation qu’il finit par tirer de Desfontaines ne raccommoda pas sa considération moins entamée par les injures de son ennemi que par le scandale de ses propres fureurs sans dignité, par ses clameurs à la police, à la magistrature, aux ministres, par les coalitions d’amis et de clients qu’il ameutait, et par le lamentable incident de Thieriot, qui ne voulut pas marcher, laissant incertain si c’était un scrupule d’honneur ou une lâcheté égoïste qui le retenait. Le public oublia le fond du débat, et sur les accessoires prit le droit de mépriser Voltaire.

Il eut un autre profond dégoût du gouvernement

  1. Son dossier est inquiétant. Arch. de la Bastille, XII.