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VOLTAIRE.

Champbonin, ou le vieux cousin Trichâteau. Voilà l’ordinaire de Cirey.

Les dix ou douze années que Voltaire y passa sont des années de travail fécond. Son amie se fit sa modératrice. Elle le disputa au public, aux tentations de la popularité bruyante ; elle le voulait tout à elle, mais c’était pour lui aussi qu’elle l’empêchait d’écrire des choses dangereuses, qu’elle les mettait sous clef sévèrement, Métaphysique ou Pucelle, quand elles étaient écrites. Elle le tirait vers les besognes moins scabreuses, vers les études qu’elle aimait. Elle l’appliquait aux sciences, aux calculs, aux expériences. Il cédait ; sa curieuse intelligence s’élançait toujours allègrement en tout sens. Mais il ne pouvait résister à son plaisir et à sa destinée. Il ne pouvait renoncer à la poésie, ni à l’histoire. Son esprit ne se tenait pas sous le boisseau : imprimé ou manuscrit, il fallait qu’il amusât le monde, ou le scandalisât, qu’il fît sonner le nom de Voltaire. La pauvre femme s’en désespérait.

Le repos de Voltaire fut un repos mobile et orageux, comme son humeur, étrangement mêlé de succès éclatants, d’études fiévreuses, de polémiques effrénées, d’alertes, de fuites, d’élans ambitieux vers les grands théâtres de Paris ou de la cour, ou vers les flatteuses amitiés des princes.

Il dotait ses nièces. Il écrivait. Il faisait des tragédies touchantes et terribles, Alzire, Mahomet, Mérope. Il rimait des stances, des odes, des épîtres surtout, que le marquis du Châtelet n’était pas toujours content de voir courir, lorsqu’elles célébraient trop vivement la belle Émilie. Ensemble se bâtis-