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VOLTAIRE.

Bouillier méprisait l’audace de Voltaire, « un papillon qui s’attaquerait à l’oiseau de Jupiter ». Sans égaler quelques remarques rapides à un ouvrage de méditation profonde, ni le bon sens de Voltaire au génie ardent de Pascal, en reconnaissant dans la critique des Pensées des légèretés et des méprises, on ne peut pas ne pas voir que pourtant en plus d’un cas Voltaire a raison contre Pascal. Il a raison en contestant des subtilités chimériques ou fragiles d’argumentation. Il a raison, pour quiconque n’est pas catholique ni chrétien, dans son jugement de la nature et des fins de l’homme. Il a raison surtout, selon l’esprit de son temps, pour quiconque n’est pas janséniste. Le xviiie siècle français ne peut pas trouver la vie mauvaise et la raison impuissante. Les Jésuites ici donnent raison à Voltaire contre Pascal ; du moins ils admettent que rationnellement Voltaire a raison de dire que l’homme peut être ce qu’il est sans la chute, et que seule la foi nous assure du péché originel. Le protestant Bouillier ne défend Pascal contre Voltaire qu’en l’atténuant, qu’en effaçant les caractéristiques personnelles de l’Apologie.

Les Lettres philosophiques furent un grand événement dans la vie intellectuelle du xviiie siècle. On peut dire qu’elles ne contenaient rien de nouveau, puisqu’on avait déjà parlé en France de Locke et de Newton[1], et des quakers, et du Parlement anglais, et de Shakespeare, et même de l’inoculation. Cependant c’est un ouvrage très neuf et qui fait date.

  1. Voltaire s’est instruit sur Newton dans Pemberton, dans Fontenelle, et chez Maupertuis : c’est ce dernier qui l’a converti.