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VOLTAIRE.

par amour propre national, à leur Descartes. Cependant une disposition générale à se défier de la métaphysique se répandait ; les physiciens et les géomètres prenaient chaque jour plus de crédit, et les gens du monde et les femmes entendaient avec plaisir que ces philosophies où l’on se cassait la tête n’étaient que du vent. Le public était prêt pour Voltaire.

Après la religion, la politique et la philosophie, la littérature avait son tour : dans cinq lettres (XVIII-XXII), Voltaire traitait de la tragédie, de la comédie, de la poésie : il présentait Shakespeare, Otway, Dryden, Addison, Wycherley, Van Brugh, Congreve, Rochester, Waller, Butler, Swift, Pope, les caractérisant rapidement et mêlant les extraits aux jugements. Il notait le manque de goût, l’irrégularité des poètes anglais, mais leur vigueur de génie, leur style « ampoulé, trop hors de la nature, trop copié des écrivains hébreux », mais leur naturel, leur impétuosité d’imagination, leur énergie souvent sublime. Il marquait le rapport de leur littérature avec l’organisation politique : la liberté a mis son empreinte sur les écrits des poètes anglais, et elle est cause que les lettres sont en honneur dans un pays où « communément on pense[1] ».

Enfin Voltaire (lettres XXIII-XXIV) regardait la littérature du point de vue social, pour admirer la considération dont les gens de lettres jouissaient en Angleterre, les emplois et les dignités où ils parvenaient, tandis qu’en France… Il comparait l’or-

  1. T. XXII, p. 162.