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VOLTAIRE EN ANGLETERRE.

à Londres. S’il décrivit leur enthousiasme, leurs assemblées, les aventures de leurs chefs avec une impertinence amusée qui les fâcha, il fit de leur vertu, de leur simplicité évangélique, de leur critique des sacrements et des dogmes un abrégé sympathique que les catholiques sentirent tourné contre leur Église. Ensuite il se moqua largement des anglicans et des presbytériens, mais, à leur occasion, plus largement encore du clergé français, de ses richesses, de ses mœurs mondaines, etc. Il dit un mot des antitrinitaires, et garda un silence de prudence plutôt que d’ignorance sur les déistes, si nombreux alors en Angleterre. Du spectacle de l’Angleterre religieuse, il tirait une conclusion, renouvelée de Bayle et des Lettres persanes, mais encore aussi neuve que scandaleuse en France :

« S’il n’y avait en Angleterre qu’une religion, son despotisme serait à craindre : s’il y en avait deux, elles se couperaient la gorge ; mais il y en a trente, et elles vivent en paix et heureuses[1] »

Amusantes et un peu naïves furent les ripostes des ecclésiastiques français. L’abbé Molinier soupçonnait Voltaire de vouloir « multiplier le quakerianisme » chez nous ; il n’y était pas tout à fait. Les jésuites s’occupaient à légitimer les dîmes : « M. de Voltaire ignore donc que l’usage de payer les dîmes aux prêtres remonte aux plus anciens temps, et à celui même d’Abraham et Melchissédec. Le bel esprit n’atteint pas aux faits et à la tradition. » Dans la remarque « sur les Églises où quelques ecclésias-

  1. Fin de la lettre VI.