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VOLTAIRE.

Il était en Bourgogne, pour le mariage du duc de Richelieu avec Mlle de Guise, quand il reçut avis qu’une lettre de cachet avait été rendue contre lui (3 mai 1734) : des exemplaires d’une contrefaçon de l’édition de Jore avaient été saisis. Il se hâta de passer en Lorraine. Le Parlement donna un arrêt le 10 juin pour brûler le livre et rechercher l’auteur. Les amis de Voltaire, Mme de Richelieu, Mme d’Aiguillon, le marquis de Matignon, essayèrent d’apaiser le garde des sceaux Chauvelin : il n’était pas intraitable ; mais le cardinal Fleury dont ce scandale contrariait le despotisme assoupissant, était fâché. Surtout le Procureur général et le Parlement janséniste en voulaient à l’imprudent philosophe. Voltaire dut rester toute une année en Champagne : Paris ne lui fut rouvert qu’en mars 1735, sur la promesse d’être sage. Pendant dix ans, l’arrêt du Parlement fut une menace permanente contre lui.

La persécution fouetta le succès des Lettres philosophiques. Cinq éditions s’imprimèrent en 1734, cinq encore de 1734 à 1739. « Quand on annonce l’arrivée de quelque monstre, disait l’abbé Molinier, le public y court avec empressement. L’esprit a ses monstres comme la matière, presque tout le monde a voulu voir ces lettres. »

Voltaire n’a point fait la peinture pittoresque du pays et des mœurs : un fragment qu’on a conservé nous montre qu’il y pensa. L’édition de Jore contient vingt-cinq lettres. Les premières (I-VII) traitent de la religion, et d’abord des quakers (I-IV). Il était allé aux bonnes sources, Barclay, Crœse, Sewel, la vie de Penn ; il avait vu des quakers