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VOLTAIRE EN ANGLETERRE.

vive curiosité, et de la précaution qu’il prenait de contrôler chez les whigs les informations recueillies des torys. Il voulut apprendre l’anglais. Il résista à la tentation de s’en passer : il pouvait parler français avec Bolingbroke et d’autres seigneurs, ou bien à la taverne de l’Arc-en-Ciel, dans Marylebone, avec les réfugiés, Desmaizeaux, Saint-Hyacinthe, etc. Mais il sentit que l’anglais lui était nécessaire pour comprendre ce qu’il avait sous les yeux, qu’il méritait d’être étudié comme langue littéraire. Au xviie siècle, un Français apprend l’italien et l’espagnol ; sous Louis XVI, l’anglais et l’allemand. Voltaire, qui veut qu’on joigne l’anglais à l’italien[1], marque une étape intermédiaire de notre culture.

Au bout de dix-huit mois, il prononçait encore mal et avait peine à suivre une conversation, mais il lisait et écrivait bien. Ses deux Essais sur la poésie épique et sur les Guerres civiles de France, ses lettres de Londres à Thieriot, sont d’un très bon anglais courant. En allant tous les soirs au théâtre de Drury Lane, où le souffleur Chetwood lui remettait une copie de la pièce, il se rendit assez maître de la langue parlée. Plus de trente ans après son retour en France, il était encore capable de converser en anglais.

Mais non content de ce qu’il pouvait voir et entendre, et de l’instruction que ses amis et relations pouvaient lui donner, il lança un appel au public, sollicitant, pour la relation qu’il voulait écrire, toute sorte de renseignements sur les grands

  1. T. XXII, p. 261. — Bengesco, II, 5.