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LA JEUNESSE DE VOLTAIRE.
Ceci ressemble au mariage du soleil qui fait murmurer les grenouilles[1] » (sept. 1725).

« Il n’y a rien de plus agréable que La Haye, quand le soleil daigne s’y montrer. On ne voit ici que des prairies, des canaux, des arbres verts ; c’est un paradis terrestre depuis La Haye jusqu’à Amsterdam. J’ai vu avec respect cette ville qui est le magasin de l’Univers. Il y avait plus de mille vaisseaux dans le port. De cinq cent mille hommes qui habitent Amsterdam, il n’y en a pas un d’oisif, pas un pauvre, pas un petit maître, pas un insolent. Nous rencontrâmes le Pensionnaire à pied, sans laquais, au milieu de la populace : on ne voit là personne qui ait de cour à faire. On ne se met point en haie pour voir passer un prince. On ne connaît que le travail et la modestie. Il y a à La Haye plus de magnificence et plus de société par le concours des ambassadeurs. J’y passe ma vie entre le travail et le plaisir, et je vis ainsi à la hollandaise et à la française. Nous avons ici un opéra détestable ! mais, en revanche, je vois des ministres calvinistes, des arméniens, des sociniens, des rabbins, des anabaptistes qui parlent tous à merveille, et qui, en vérité, ont tous raison[2] » (7 oct. 1722).

Cette lettre hollandaise n’a-t-elle pas bien déjà l’accent des Lettres Anglaises ?

La Henriade découvrit au public la première philosophie de Voltaire. Il faut lire le poème de la Ligue de 1723, tout plein de vers hardis, de maximes, de tirades chaleureuses contre l’Église intolérante, contre les guerres et les persécutions religieuses, contre les moines inutiles ou intrigants, contre les mauvais rois et les « fiers conquérants »,

Héros aux yeux du peuple, aux yeux de Dieu tyrans.
Fléaux du monde entier que leur fureur embrase[3].

L’analyse du fanatisme déchargeait Jacques Clément de la responsabilité individuelle de son acte, et portait le régicide au compte de la religion. Il y

  1. T. XXXIII, p. 147.
  2. T. XXXIII, p. 74.
  3. T. VIII, p. 174 et 193.