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VOLTAIRE.

plus, n’étaient que des charlatans et des suborneurs. » Le bon prêtre conseillait d’« enfermer ce poète entre quatre murailles pour toute sa vie [1] ».

En s’ôtant le refuge de Dieu, Voltaire se créait une nécessité d’énergie. Son épicurisme accepte l’irréparable avec une résignation forte. En aimant l’argent, il s’efforce de vivre joyeux sans argent[2]. Malade, embarrassé dans ses affaires, plaidant contre son frère pour la succession de son père, il écrit :

« La fortune ne me traite pas mieux que la nature : je souffre beaucoup de toutes façons, mais j’ai rassemblé toutes mes petites forces pour résister à mes maux[3]. »

En politique, il n’avait pas encore de griefs personnels contre les institutions, mais l’esprit du temps l’enveloppait. Il n’était ni respectueux ni docile, et recevait d’autant mieux toutes les suggestions de critique ou de révolte que le monde et les lettres lui apportaient. Philoctète philosophait dans Œdipe :

Un roi pour ses sujets est un Dieu qu’on révère,
Pour Hercule et pour moi, c’est un homme ordinaire.

Un vain peuple en tumulte a demandé ma tête :
Il souffre, il est injuste, il faut lui pardonner[4].

L’humeur « république » se fait sentir çà et là dans la correspondance :

On va créer un nouvel impôt pour avoir de quoi acheter des dentelles et des étoffes pour la demoiselle Leczinska.

  1. Arch. de la Bastille, XII, 132.
  2. T. XXXIII, p. 138.
  3. T. XXXIII, p. 126.
  4. Œdipe, II, 4, et III, 2.