Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
VOLTAIRE.

« La grande et la seule affaire qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux[1]. »

Quelques femmes toujours badines,
Quelques amis toujours joyeux,
Peu de vêpres, point de matines,
Une fille, en attendant mieux,
Voilà comme l’on doit sans cesse
Faire tête au sort irrité.
Et la véritable sagesse
Est de savoir fuir la tristesse
Dans les bras de la volupté[2].

Ajoutez, avec lui, la bonne chère, l’opéra, et du temps pour l’étude[3]. Le cœur a sa place dans ce plan de vie épicurienne. Le monde devient sensible en devenant philosophe. Il commence à savourer le charme des émotions, et la beauté dont elles décorent la vie. Voltaire éprouve déjà ce qu’il exprimera en 1729 en se souvenant de son cher Génonville, mort depuis six ans :

Malheureux, dont le cœur ne sait pas comme on aime.
Et qui n’ont pas connu la douceur de pleurer[4].

La morale est un art d’exploiter pour le bonheur toutes les ressources de la nature.

Le plaisir est l’objet, le devoir, et le but
De tous les êtres raisonnables[5].

La morale chrétienne est écartée avec le dogme chrétien. Dieu même n’est plus qu’une hypothèse :

  1. T. XXXIII, p. 62.
  2. T. X, p. 221. — Cf. t. XXXIII, p. 35.
  3. T. XXXIII. p. 87.
  4. T. X, p. 266 (1729).
  5. T. X, p. 231.