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VOLTAIRE.

le déisme anglais commencent à s’infiltrer en France.

Deux hommes surtout firent du libertinage une philosophie. Fontenelle vulgarisait la méthode cartésienne, allégée de la métaphysique où s’enfonçaient Spinoza et Malebranche. Il répétait en formules claires et fines que la raison consiste à douter, et à voir avant de croire, et que le désir ni le besoin de l’homme ne sont arguments de vérité. Il se donnait la peine de démontrer que les oracles des anciens n’étaient point rendus par des démons, et son explication du surnaturel païen par la fourberie des prêtres et la crédulité des peuples, s’étendait comme d’elle-même au surnaturel chrétien. Il enseignait aux gens du monde l’astronomie nouvelle, celle de Copernic, de Galilée et de Descartes ; il substituait délicatement, sans tapage, dans leurs esprits la notion des lois de la mécanique à l’idée de la Providence, et aux antiques cieux dont le plus haut est le séjour immobile de l’éternelle divinité, une représentation prodigieuse d’espaces infinis peuplés de mondes sans nombre qui n’était guère compatible avec les récits de l’histoire sainte. Il changeait le type de la culture des honnêtes gens ; d’oratoire et poétique, il la rendait scientifique, et menaçante pour la religion qui a besoin pour subsister que l’éducation fasse prédominer les facultés imaginatives et sentimentales.

Plus riche était encore cette autre source de libre pensée, Bayle, avec ses Nouvelles de la République des Lettres, ses Pensées sur la Comète, et ce Dictionnaire critique, quatre in-folios dont onze éditions se succédaient en quarante ans (1697-1740). Bayle faisait aux sorciers une guerre qui menaçait les mira-