aussitôt l’ordre signé, l’autorisait à remplacer Tulle par Sully : quelques mois de villégiature au bord de la Loire, dans le château d’un ami. Pour les J’ai vu qu’il n’avait pas faits, et le Puero regnante qui était bien de lui, il demeurait onze mois à la Bastille (mai 1717-avril 1718) : douce prison d’État, honorable pour un petit garçon obscur, et qui lui donnait de l’importance.
Plus cuisantes à l’amour-propre de Voltaire furent ses affaires avec le comédien Poisson qui le menaça du bâton, et avec l’officier mouchard Beauregard qui le bâtonna effectivement sur le pont de Sèvres. Voltaire agita un moment ses pistolets et son épée, et puis fit un procès à Beauregard. Le public prenait l’impression que ce poète n’était pas un homme qui se battît en duel. D’ailleurs la qualité de ses offenseurs l’avilissait un peu. Un honnête homme n’a pas d’affaires avec un comédien ni avec une « mouche ».
En décembre 1725, un triste grand seigneur, le chevalier de Rohan, avec qui il avait eu quelques paroles à la Comédie-Française, le fit appeler à la porte du duc de Sully chez qui il dînait : des laquais le bâtonnèrent, pendant que le chevalier, de son carrosse, « surveillait les travailleurs ». Rage de Voltaire, plus grande quand il vit que ses bons amis les ducs et les marquis trouvaient l’aventure plaisante : un Rohan bâtonnait un poète, c’était sans conséquence. Cette brutalité dissipa l’illusion où il avait vécu. Pour conserver son « honneur », c’est-à-dire sa position mondaine, il voulut se battre. Il le voulut sérieusement, pendant des mois. Mais il ne se battit pas. Le chevalier de Rohan se déroba. Sa famille et