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LA JEUNESSE DE VOLTAIRE.

bien sûr qu’il n’a pas risqué sa chemise : il étale sa perte pour se faire honneur. Il est sobre, et jamais ne compromet sa santé ni sa bourse dans ses folies. Mais l’économie est bonne pour conserver : pour le petit Arouet, le problème fut d’abord d’acquérir.

Il eut des pensions de la cour — c’était la voie indiquée pour un homme de lettres — : 1 200 francs du duc d’Orléans en 1718, 2 000 francs du roi en 1722, 1 500 francs de la reine en 1725. Il eut l’héritage de son père, 4 250 livres de rente. C’était joli pour un poète, insuffisant pour vivre dans le grand monde. Voltaire spécula. Les financiers qu’il fréquenta lui donnèrent le goût et le sens des opérations de banque et de commerce, la hardiesse réfléchie pour risquer, la sécurité de conscience sur les gros bénéfices. Il essaya de la Compagnie des Indes : il y avait presque tout son bien en 1722. Il s’occupa avec le Président de Bernières d’établir une caisse de juifrerie, c’est-à-dire sans doute une compagnie de commerce[1]. Il gagna une fortune, grâce aux frères Paris, dans les fournitures des armées. Il fit une société pour exploiter la loterie du contrôleur général Desforts, où les billets pouvaient se payer en rentes et où les lots étaient payés en argent : il eut une belle part dans le produit de la combinaison. Il acheta et revendit des actions, triplant parfois ses mises[2]. Il mit des fonds à la grosse aventure dans le commerce de Cadix avec l’Amérique. Il opéra sur

  1. T. XXXIII, p. 62.
  2. Ib., p. 196.