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L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

l’aissance et la lumière, c’est-à-dire vers le xviiie siècle et Voltaire.

Dirai-je un mot de l’étranger ? Là aussi on ferait plus aisément l’histoire de la réputation de Voltaire que celle de son influence[1]. Il faudrait d’ailleurs que l’action de la civilisation française en Europe au xviiie et au xixe siècles fût exactement connue, pour qu’on pût se flatter de distinguer nettement la part de Voltaire.

Si je m’aventure à indiquer ce qui m’apparaît actuellement, je me représente l’influence de Voltaire comme très faible en Angleterre, sauf en ce qui regarde la littérature historique. La pensée philosophique en ce pays a devancé Voltaire, et n’a pas eu grand chose à prendre chez lui. Il choquait aussi par trop de côtés la conscience et la décence anglaises. Enfin le temps où nos formes classiques marquaient de leur empreinte la littérature anglaise, finissait au moment où Voltaire débutait, et l’Angleterre se rendait à son propre génie. Ce n’est pas qu’on ne lui ait fait justice en ce pays, peut-être mieux que chez nous : mais on l’a plutôt jugé que suivi.

Sur le continent, au contraire, en tout pays, même en Espagne et Portugal, il y eut vers le milieu et dans la seconde moitié du xviiie siècle une nombreuse génération d’esprits voltairiens, princes, grands seigneurs et bourgeois d’esprit sceptique, railleur et mordant, étrangers au sentiment du respect et charmés de l’expression claire et légère.

  1. V. Rossel, Histoire des relations entre la France et l’Allemagne. — Eug. Bouvy, Voltaire et l’Italie.