Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

moins il devient capable de s’alimenter dans Voltaire et de s’armer de l’esprit voltairien : il lui faut une nourriture moins fine, et des armes plus brutales.

Même dans la classe lettrée que l’Église n’a pas reprise, Voltaire a perdu du terrain. La riche et forte littérature du xixe siècle nous a donné des besoins de goût, un idéal d’art que Voltaire ne satisfait plus ; son influence sur nos esprits a diminué de toutes les prises qu’ont le romantisme, le Parnasse, le symbolisme, et les écrivains d’aujourd’hui. Mais surtout un homme instruit de nos jours, et qui sait les conditions de la recherche de la vérité, ne se munit plus de connaissances chez Voltaire. Outre les inadvertances et les erreurs matérielles auxquelles nos méthodes exigeantes ne pardonnent plus, le progrès des sciences philosophiques et historiques, celui de la psychologie et l’exégèse religieuse en particulier, ont fait apparaître des aspects des questions que Voltaire n’a pas soupçonnés. Si Renan, qui le remplaçait, le déclassait déjà, à plus forte raison ne pouvons-nous plus considérer comme il faisait le phénomène de la croyance et l’histoire des religions, et nous ne pouvons plus en parler comme il faisait. Ainsi, tout en nous rendant compte que nous continuons Voltaire, que nous faisons en notre temps ce qu’il a fait dans le sien, nous ne voyons plus dans toute sa polémique antichrétienne, arguments et forme, qu’un musée historique. Cela pouvait servir à combattre l’Église en 1770 : cela n’a plus guère d’usage au xxe siècle.

L’Église, d’ailleurs, n’est plus ce qu’elle était alors.