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VOLTAIRE.

l’intérêt que prend le citoyen, le simple particulier, à tous les objets d’utilité commune, à tous les moyens de la prospérité publique, dans sa participation active, même en monarchie absolue, aux affaires de l’État, par la critique incessante des abus et l’infatigable recherche des améliorations pratiques.

C’est en très grande partie le voltairianisme qui a désarmé la noblesse en 1789, et l’a livrée à la Révolution, complice par l’esprit de sa propre dépossession. Montesquieu était pour une élite : Rousseau trop paradoxal et excessif. Voltaire donnait aux privilégiés ce qu’ils aimaient, en bien et en mal, et ainsi il les imprégna, les pétrit si bien qu’il leur fit une raison qui d’avance adhérait aux entreprises de leurs ennemis. Il faudra l’émigration pour refaire une noblesse conservatrice, catholique, défiante de la critique et des idées.

Évidemment, l’influence de Voltaire fut suspendue par la Révolution. Les choses allèrent d’un tel train que toutes les idées de Voltaire furent vite dépassées. Les abus qu’il avait combattus furent déracinés avec les institutions qu’il conservait, et les réformes qu’il croyait réalisables vers 1760 ou 75, ou furent vite faites, ou n’eurent plus d’application dans la France nouvelle. Peut-être a-t-il contribué à la définition des nouveaux rapports de l’Église et de l’État, à l’établissement du mariage civil, de l’unité de poids et mesures, de l’unité de législation. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne vient pas de lui plus que d’un autre : elle est le produit de tout le mouvement du siècle. On peut seulement remarquer que si Montesquieu y paraît