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L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

beaucoup d’ecclésiastiques et de moines, même les plus légers des gens du monde sont avec lui.

On marche encore derrière lui quand il accepte le système de la monarchie absolue, à condition qu’elle se mettre au service de la nation ; quand il dénonce tous les abus de la justice et en secourt les victimes ; quand il combat les abus de l’administration et signale des réformes utiles ; quand il déteste la guerre, et veut une royauté pacifique, qui développe la prospérité publique par de bons règlements en faveur du commerce de l’agriculture.

En général, Voltaire agit sur son temps par le développement de l’esprit critique dans le public. Il porte devant lui toutes les questions d’administration et de gouvernement, questions religieuses, politiques, judiciaires, économiques : il habitue le bon sens public à se déclarer compétent sur toutes les matières, et il fait de l’opinion des forces directrices des affaires publiques. Sans doute le mouvement ne date pas de lui, et n’a pas été renfermé en lui. Dans les affaires de la Constitution Unigenitus et dans les conflits du Parlement et du ministère, on entendait depuis la Régence les mêmes appels à l’opinion, les mêmes voix de l’opinion ; et tous les « philosophes » auront pour principale fonction ce maniement, cette excitation des sentiments collectifs de la nation. Cependant, ici. Voltaire me paraît avoir le rôle le plus actif et le plus caractérisé. C’est lui qui, par excellence, comme je l’ai dit, fait l’office d’un journal, de toute une presse. Il forme, par ses innombrables écrits, l’esprit qu’on appelle alors patriotique ou républicain, et qui consiste dans