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L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

alerte qui garde toujours la mesure, et qui sait éviter la pesanteur et l’obscurité. Plus d’un voltairien s’est converti à la foi chrétienne en restant voltairien de style et d’intelligence, et plus d’un catholique s’est trouvé en affinité de goût avec lui.

Longtemps toutefois, et le plus souvent, la séduction littéraire de Voltaire a été le véhicule de ses idées et de ses sentiments. Mais ici, pour le xviiie siècle, il est particulièrement difficile de préciser. La force de Voltaire a été en grande partie de donner la forme charmante de son esprit aux opinions et aux aspirations de ses contemporains. La duchesse de Choiseul nous explique très bien ce qui fait que son action est aussi malaisément discernable que certainement considérable.

Malgré les défauts qu’on peut reprocher à Voltaire, écrivait-elle le 21 septembre 1779, il sera toujours l’écrivain que je lirai et relirai avec le plus de plaisir, à cause de son goût et de son universalité. Que m’importe qu’il ne me dise rien de neuf, s’il développe ce que j’ai pensé, et s’il me dit mieux que personne ce que d’autres m’ont déjà dit ? Je n’ai pas besoin qu’il m’en apprenne plus que ce que tout le monde sait, et quel autre auteur pourra me dire comme lui ce que tout le monde sait ?

Il y a là un peu d’illusion, et c’était une partie de l’art de Voltaire de faire croire à son lecteur que tout le monde, que lui-même savait et pensait ce que Voltaire voulait l’amener à savoir et à penser. Mais, tout de même, il y a beaucoup de vrai dans le propos de Mme de Choiseul. On peut estimer que Montesquieu, Rousseau, Buffon, Diderot sont de plus grands génies : Voltaire est l’individu le plus largement représentatif, celui en qui le génie de la