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L’INFLUENCE DE VOLTAIRE.

au nom de Racine et des Grecs, réagiront contre ses innovations. Cependant les tentatives modérées qui se feront sous la Restauration pour incorporer à la tragédie quelques éléments romantiques, — ainsi chez Casimir Delavigne, — continueront l’effort voltairien.

Voltaire demeurera le maître de la poésie légère : mais Delille se substituera à son autorité pour la poésie didactique, et J.-B. Rousseau restera avec Malherbe le patron de l’ode. L’action de son clair et ironique génie sera limitée surtout par le progrès de la mélancolie et de l’ossianisme, qui feront dominer la note élégiaque dans la poésie entre 1770 et 1820. Mais, malgré les essais de Delille et de Roucher, le vers fluide, égal et monotone de Voltaire conservera toute sa séduction et se transmettra jusqu’à Lamartine.

En histoire, l’influence de Voltaire a rayonné hors de France. Il a créé une école d’historiens philosophes à qui l’on reproche d’avoir sacrifié les faits aux réflexions, et les recherches critiques aux partis pris dogmatiques : il y a du vrai dans ce reproche, et Mably ni Raynal ne sont pour nous satisfaire aujourd’hui. Mais il faudrait faire ici la part de Montesquieu et de ses Considérations. Voltaire, avec toutes ses rapidités et ses légèretés, avec toutes ses passions et ses préjugés, conseillait l’étude sérieuse et l’exposé véridique des faits. Il avait donné des modèles de composition et de simplification, des chefs-d’œuvre de narration. On retrouve sa leçon et sa manière dans les historiens anglais, Robertson et Gibbon ; en France, à vrai dire, dans tous les meilleurs