Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
FORMATION DE LA LÉGENDE VOLTAIRIENNE.

puis de nouveau ralentissement. Reprise sensible sous le second Empire. Cette courbe correspond assez à celle des mouvements libéraux ; on imprime ou réimprime Voltaire surtout aux époques où ces mouvements rencontrent le plus de résistance et prennent le plus de violence. Cependant il faut aussi tenir compte du fait que, sous la Révolution, après l’édition encadrée de 1775 et les deux éditions de Kehl, et sous Louis-Philippe, après les 28 éditions qui se succédaient depuis vingt ans, le marché put être encombré : il fallut donner au public le temps d’absorber la production de la librairie. Toujours est-il que l’abondance même de l’offre, de la part des éditeurs, indique une demande considérable de l’opinion libérale.

Il faudrait connaître le tirage de ces éditions. Le gouvernement de la Restauration a essayé de se rendre compte de la diffusion des « mauvais livres ». D’un rapport officiel qui fut alors analysé par les journaux[1] il résulte que, de 1817 à 1824, douze éditions de Voltaire se sont imprimées, formant un total de 31 600 exemplaires et de 1 598 000 volumes. En même temps, 13 éditions de Rousseau donnaient 24 500 exemplaires et 480 500 volumes. Les éditions séparées d’écrits de l’un et de l’autre jetaient sur le marché 35 000 exemplaires et 81 000 volumes. Au total c’étaient 2 159 500 volumes philosophiques qui étaient lancés en sept ans contre la réaction légitimiste et religieuse, et de ce nombre effrayant de projectiles, Voltaire fournissait plus des trois quarts.

  1. L’Étoile, jeudi 9 juin 1825.