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FORMATION DE LA LÉGENDE VOLTAIRIENNE.

ment décider s’il était le général de l’armée du progrès, ou s’il en était le tambour.

La difficulté s’accroît de toute l’aversion de Voltaire pour les constructions systématiques. La présence de Montesquieu et de Rousseau dans une intelligence est vite décelée par les traces des partis pris doctrinaux qui leur sont propres. Voltaire souvent ne fait que fouetter des sentiments sans imposer aucune préférence dogmatique.

Peut-être parviendra-t-on un jour à se tirer de ces embarras : en tout cas, actuellement, il serait vain de s’en flatter. L’histoire des idées, de leur formation et de leurs modes de propagation, aux xviiie et xixe siècles, n’est pas suffisamment faite ; on n’a point jusqu’à ce jour étudié assez exactement la relation des faits politiques et sociaux aux faits moraux et littéraires. Il serait nécessaire de regarder de près la formation et le développement de beaucoup d’individus, distingués ou médiocres, illustres ou obscurs. Mais on n’a point rassemblé encore un assez grand nombre d’observations de ce genre pour qu’il soit possible de dégager des conclusions générales. Ce n’est pourtant que lorsque tout ce travail sera fait, qu’il pourra être question de définir l’influence de Voltaire.

Sans donc prétendre à une précision ni à une certitude actuellement illusoires, je présenterai quelques remarques sur ce qui me paraît le plus vraisemblable.

Et d’abord, si l’on ne peut établir rigoureusement le détail ni la mesure de l’influence voltairienne, on ne peut guère mettre en doute la réalité de cette