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FORMATION DE LA LÉGENDE VOLTAIRIENNE.

C’est, en 1762, l’affaire Calas. Le 10 mars, Jean Calas, marchand d’indiennes, rue des Filatiers, à Toulouse, fut roué après un long procès instruit d’abord par les capitouls, puis par le Parlement. Il était accusé du meurtre de son fils aîné, Marc-Antoine, qui, le 13 octobre 1761, avait été trouvé pendu dans la boutique paternelle : on rendait compte du crime par l’horreur de la famille calviniste à l’idée que Marc-Antoine voulait se faire catholique. Jean Calas mourut en protestant de son innocence.

Voltaire, averti dès le 22 mars par le négociant Audibert, crut d’abord à un excès du fanatisme huguenot. Mais bientôt convaincu d’être en présence d’une erreur judiciaire, il prit en main la cause de Calas. Il se heurta à l’indifférence, au scepticisme ou à l’hostilité du ministère, des courtisans, des parlementaires. Il se tourna vers le public : par toute sorte d’écrits, discutant les charges et les faits de la cause, développant les principes de tolérance, il remua la grande force de l’opinion. Il appuya, dirigea de Ferney toutes les démarches de Mme Calas, assista les avocats Élie de Beaumont et Loyseau de Mauléon. Dès le 7 mars 1764, un premier arrêt du Conseil engageait la revision ; le 4 juin 1764 le jugement de Toulouse était cassé. Le 9 mars 1765, les 40 juges des requêtes de l’Hôtel, à l’unanimité, réhabilitèrent Calas.

De temps à autre, depuis, on a essayé d’infirmer cette réhabilitation, soit par passion catholique, soit pour l’honneur de la magistrature, soit par aversion pour Voltaire : on n’a rien produit qui démontrât la culpabilité de Calas ; et l’on n’a pu, en négligeant