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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

delà de ces réformes. Il n’est pas révolutionnaire, ni chimérique. Il est opportuniste et réaliste. Il indique ce qu’on peut obtenir tout de suite par la pression de l’opinion. Ce n’est pas qu’il renonce, cela obtenu, à demander autre chose. Il ne se dit pas républicain. Il ne demande pas une constitution à l’anglaise. Il ne demande pas expressément la participation directe des propriétaires et des industriels à la direction des affaires publiques. Il ne demande pas pour les protestants l’accès aux charges ni la liberté du culte public. Il ne demande pas la nomination de tous les professeurs par l’État. Ce sont choses pourtant qu’il estime raisonnables. Il se contente de poser le droit de l’État sur les communautés : il n’en demande pas tout de suite la suppression, qu’il désire et qu’il espère.

Voltaire sans nul doute est conservateur. Mais il l’est comme l’est tout libéral. Il ne veut pas de bouleversement violent. Il ne détruit ni les classes ni l’inégalité des richesses. Il remet la France aux mains de la bourgeoisie éclairée, dont il étend la limite du côté du peuple par l’instruction. Mais son programme, précisément parce qu’il est pratique, n’a rien d’absolu ni de définitif. Il est conforme à son esprit de prévoir, après les améliorations immédiatement réalisables sur lesquelles tout son effort se concentre, d’autres améliorations que les premières, en s’effectuant, rendront possibles : et ce sera ainsi tant que l’on pourra apercevoir du mal dans la réalité et concevoir du mieux par la raison, tant que l’humanité et la justice seront blessées quelque part, que la société ne sera pas parfaite et l’homme heureux.